Édition #5

Les bienfaits des séjours collectifs pour les enfants et les adolescents

Clotilde DESARMENIEN Directrice de Savoie Mont Blanc Juniors
Le séjour collectif de mineurs, qu’il soit réalisé dans le cadre scolaire (classe verte, classe de neige…) ou celui des vacances (colonies de vacances, mini-camps, stages sportifs…), est un espace de vie complémentaire à l’espace familial quotidien et à l’établissement scolaire. S’éloigner de ses parents et de son cadre habituel participe activement aux apprentissages, aux savoir-faire et savoir-être, et cela dès le plus jeune âge et durant toute l’adolescence.

Sur le temps des vacances, les colonies invitent les enfants à pratiquer des activités ludiques, où l’amusement et la découverte sont au programme chaque jour. Durant les séjours scolaires, l’accent est porté sur les apprentissages, en lien avec le projet pédagogique de l’année scolaire. Quel que soit le type de séjour, le développement des savoir-être et des savoir-faire sont des fils rouges omniprésents. L’enfant apprend à devenir plus autonome, à gérer ses affaires, préparer son sac… La construction du lien de chaque individu avec les autres est à son oeuvre : interagir avec de nouvelles connaissances, s’entraider, jouer collectivement, définir ensemble des menus… Les enfants en sortent systématiquement plus dégourdis et bienveillants. On a pu également observer par le biais d’études, que plus le séjour est long, plus la confiance en soi et la sociabilisation s’accroissent.

Les séjours collectifs ont aussi en commun les activités de plein air, invitant les juniors à se dégourdir hors les murs. Le manque de nature et de mobilité étant de plus en plus observé chez les nouvelles générations, les séjours collectifs sont l’occasion idéale pour les renouer avec des pratiques et des milieux qui participent à leur santé : marcher, courir, s’oxygéner, aiguiser son équilibre…, tant de bienfaits qui contribuent à une meilleure santé, encore plus profitables dans des espaces où forêts, alpages, lacs et rivières ont des effets apaisants et ressourçants. C’est d’ailleurs dans un objectif sanitaire que les premiers séjours collectifs en montagnes de Savoie et de Haute-Savoie sont nés.

Les enjeux sociétaux et économiques des séjours collectifs de mineurs

Un séjour collectif se compose autour des enjeux identifiés pour le bon fonctionnement de notre société : trouver sa place et définir son rôle au sein d’un groupe, apprendre à connaître et respecter des personnes issues de milieux différents, travailler en équipe, s’adapter à des règles collectives, protéger et utiliser intelligemment les ressources naturelles…

Contribuer à la réalisation de ces séjours permet d’accompagner les nouvelles générations dans la construction de la société en devenir. On ne peut s’empêcher d’ailleurs de se questionner sur le lien entre la montée des comportements individualistes et peu bienveillants dans la société et la baisse des politiques favorisant les départs en classes de découvertes, la réduction des aides des comités d’entreprises dédiées aux colonies de vacances, l’abandon de la gestion des centres de vacances par un grand nombre de collectivités territoriales, la fin du service militaire… En bref, un ensemble de leviers qui favorisent le collectif, le « vivre-ensemble » et, par conséquent, un certain équilibre dans la société.

Les enjeux de ces séjours liés au renouvellement des clientèles ne sont plus à démontrer. Les souvenirs partagés en colonies de vacances ou en classes de découvertes sont si prégnants dans la mémoire des gens, que la plupart reviennent en famille redécouvrir ces lieux d’enfance. C’est en cela que le goût de la montagne est à transmettre dès le plus jeune âge. Les séjours collectifs sont, en ce sens, des outils parfaits pour que les enfants découvrent, s’attachent et puissent se projeter, plus tard, dans cet environnement. La découverte des métiers et des activités peut susciter des vocations et des passions, qui amèneront les enfants à revenir sur le territoire.

« Un hébergement collectif qui ferme ses portes, c’est tout un pan de l’activité économique d’un territoire qui est touché. »

Premiers départements d’accueil de séjours vacances, la Savoie et la Haute-Savoie recensaient en 2019 2,9 millions de nuitées de groupes d’enfants (1,4 en séjours scolaires et 1,5 en séjours vacances), soit
550 000 enfants et adolescents accueillis chaque année. À noter que ce poids dépasse celui de l’hôtellerie de plein air (2,3 millions de nuitées).

Le développement historique de cet accueil en Savoie Mont Blanc s’observe également à l’échelle régionale : en Auvergne-Rhône-Alpes, 81 % des nuitées effectuées en 2022 dans ce type d’hébergement collectif sont effectuées en Savoie Mont Blanc.

Malheureusement, chaque année, nous déplorons une dizaine d’hébergements collectifs qui cessent leur activité. Il faut rappeler le cadre social dans lequel cette activité touristique se situe. Les modèles économiques sont très fragiles, assurant en priorité l’accessibilité tarifaire des publics à ces séjours. La grande majorité des écoles, des structures jeunesse et des parents ont des budgets très contraints. Face à ces enjeux et au modèle économique des structures, nombreuses sont celles qui ne peuvent plus faire face à la lourdeur des investissements nécessaires à leur réhabilitation et à leur mise aux normes. La pandémie a touché fortement la filière et le contexte inflationniste rajoute des difficultés. Le maintien de l’accessibilité des tarifs des séjours devient un sujet complexe.

Un hébergement collectif qui ferme ses portes, c’est tout un pan de l’activité économique d’un territoire qui est touché. En effet, l’écosystème des séjours éducatifs implique de nombreux acteurs professionnels : hébergements (centres de vacances, auberges de jeunesse…), prestataires d’activités (animateurs nature, guides et accompagnateurs en montagne, guides patrimoine, clubs de voile, écoles de ski, musées, sites ludiques et sportifs, intervenants artistiques, fermes pédagogiques…), des transporteurs collectifs (cars, train), des commerçants (location de matériel, souvenirs, fromagerie…) et l’ensemble des prestataires techniques assurant les fournitures alimentaires, hygiéniques et matérielles.

Contrairement aux activités touristiques fortement liées aux périodes de vacances scolaires, cette activité mobilise aussi les professionnels sur les autres périodes, grâce aux séjours scolaires.

La fermeture de chaque hébergement collectif est une perte économique et sociale importante pour le territoire, que ce soit à court et à long termes.

« Sur les territoires montagnards, l’historique « classe de neige » doit évoluer dans les mentalités de chacun vers la « classe de montagne ». »

Pour conforter les séjours collectifs, il faut pérenniser l’activité des hébergements collectifs

L’association Savoie Mont Blanc Juniors (SMBJ) contribue au quotidien à la pérennité de la filière qui accueille et anime les groupes d’enfants en la représentant, l’accompagnant, la valorisant et en facilitant sa mise en relation avec les porteurs de projets de séjours scolaires et colonies de vacances. Ce réseau associatif, soutenu par les Conseils départementaux de Savoie et Haute-Savoie, regroupe les acteurs professionnels du territoire. Au regard des effets leviers qu’il apporte, ce modèle associatif a été reproduit dans d’autres départements, comme en Isère, Drôme et également en Auvergne.

À l’échelle locale, les collectivités territoriales et les offices de tourisme peuvent aider la filière à se structurer autour d’actions permettant de qualifier l’accueil, développer les partenariats entre acteurs, faciliter les déplacements, adapter les équipements, définir une identité territoriale, concevoir des séjours thématiques accompagnés de tarifs adaptés…

En complément, les actions de soutien permettant de pérenniser l’activité des hébergements collectifs sont principalement des aides en ingénierie, que ce soit pour les démarches de mises aux normes, la mise en place des obligations de réduction des consommations énergétiques, la loi Egalim¹…

Sur les territoires montagnards, l’historique « classe de neige » doit évoluer dans les mentalités de chacun vers la « classe de montagne ». L’adaptation des séjours juniors aux changements climatiques est un chantier à travailler collectivement, que ce soit au niveau de l’offre, de la règlementation et de la communication.

Enfin, les dispositifs financiers des collectivités ou les fonds de dotation comme Enfance et Montagne² demeurent les leviers les plus efficaces aux départs en séjours scolaires et colonies de vacances. Dans un contexte inflationniste, ils le seront d’autant plus.

En dehors de l’aspect financier, partir en séjour collectif doit redevenir un automatisme dans l’esprit de chacun, que ce soit pour répondre aux enjeux économiques de nos territoires, ou pour développer les bienfaits et les savoir-être de nos petits citoyens.

 


1 Loi Egalim : loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous. Il s’agit d’une loi française de 2018 issue des États
généraux de l’alimentation lancés en 2017.
2 Lancé en 2020 par le Syndicat National des Moniteurs du Ski Français (SNMSF)

Clotilde DESARMENIEN
Clotilde DESARMENIEN
Diplômée en « Promotion et développement des aménagements touristiques », Clotilde a évolué au sein de collectivités territoriales en tant que chargée de mission tourisme. C’est en 2016 qu’elle a rejoint l’équipe de Savoie Mont Blanc Juniors, avec l’envie de structurer et développer cet outil associatif dédié à la filière bi départementale des socioprofessionnels qui accueillent et animent les groupes d’enfants.